Bienvenue

A la manière des cadavres-exquis, tout en usant de règles adaptées à notre convenance, nous tentons d'écrire ici une histoire à la fois anonyme et multi-voix.

Impossible de vous en faire un résumé, et pour cause...

... nous même ne savons pas tout ceci va nous mener !

7 commentaires lundi 25 février 2008

Et Paul raconta tout ce qu’il savait. Tout ce qu’il avait vécu et fait depuis 4 ans, de son plein gré ou contre sa volonté. Il raconta comment il avait œuvré en sous main pour un cadre de la mafia russe, avait espionné Steve et profité de la proximité de Suelen. Il affirma, les yeux au bord des larmes, qu’il s’en voulait et que sans ses erreurs passées, cette journée eut été calme et sans surprise. La seule chose qu’il garda secrète, c’est la raison pour laquelle Oleg le tenait par les gonades : il n’avoua rien de son penchant scabreux à droguer puis violer son meilleur ami… Ni Steve, ni Suelen ne songèrent à l’interrompre, et une fois que Paul se fut tu, un long silence s’installa. Paul, qui ne pouvait se résoudre à rompre ce silence de peur de s’entendre dire ses 4 vérités, avait l‘impression que le temps s’était arrêté, et qu’il était dans ce bar depuis déjà plusieurs mois. Il regardait de l’autre côté du bar, sans vraiment le voir, un mec déguisé en bitte faire le pitre devant ses potes, hilares. Un enterrement de vie de garçon. Pathétique, et tellement normal en même temps.

Les questions se succédaient dans l’esprit embrouillé de Steve. Il ne comprenait pas ce qu’il venait faire dans cette histoire, ni pourquoi Sally voulait désormais le tuer. Agissait-elle de son propre chef ? Il ne comprenait pas non plus pourquoi elle l’avait prévenu la veille et pourquoi elle était venue le matin même juste pour lui avouer mystérieusement ses ambitions avant de sauter dans le vide. Au milieu de ses pensées, une image resurgit, et s’imposa, nette : il avait vu Sally quelques dizaines de minutes plus tôt à l’avant d’une décapotable noire. Il sut alors qu’elle ne pouvait pas être morte, et qu’il devait la retrouver : elle seule pourrait répondre à ses questions. Sa vie passée, et les quelques événements étranges qui l’avaient jalonnée, notamment celui qu’une horrible photo avait douloureusement fait resurgir le matin même, lui apparaissaient sous une toute autre lumière : la mafia russe s’intéressait à lui, depuis son plus jeune âge. Sally était une héritière, d’accord, mais lui, qu’était-il ?

Suelen, quant à elle, avait l’esprit focalisé sur une seule idée : les yeux fixés sur Steve, elle se souvenait, d’un coup, de la rapidité avec laquelle John avait obtenu le droit de l’adopter. A l’époque, toute à la joie d’être de nouveau mère, elle n’y avait pas fait attention. Mais aujourd’hui, elle apprenait que John était un mafieux, et tout semblait plus simple : ses réticences à parler de la procédure d’adoption, ses colères lorsque Steve avait voulu en savoir plus… Sa vie entière était une arnaque, elle commençait à s’en rendre compte… Et cette pensée l’anéantissait… Plus surement que son cancer, cette histoire allait la tuer. Elle se sentait désormais prête à tout pour connaître la vérité.

Paul était probablement le seul à comprendre dans quel guêpier ils étaient fourrés : John se vengeait, et ça risquait de faire mal. C’était lui qui avait invité Steve et Suelen le soir même à Alesia… Lui aussi qui manipulait Sally. Deux choses cependant lui échappaient : d’abord, pourquoi Oleg était dans le coin (Vlad ne devait alors pas être loin), et ensuite qu’est ce que ce Sergueï venait foutre dans cette histoire ? Le mot qu’il avait laissé sur la photo avait-il été écrit par un ami ou un ennemi ? Il était loin de savoir ce qu’il convenait de faire. La tête prise entre ses deux mains, il sentait une vague de désespoir le gagner. Il se cacha encore un peu plus le visage derrière ses mains, et se mit doucement à pleurer.

Ainsi prostré, Paul ne put voir l’homme s’approcher de leur table et s’installer comme s’il rejoignait de vieux amis. Suelen, les yeux et les pensées entièrement tournés vers Steve, ne le vit pas non plus. Seul ce dernier, bouche bée, vit un grand homme blond d’origine scandinave, vêtu d’un costume en velours bleu ciel, se joindre à eux avec un air et une prestance qui ne souffrait aucun commentaire. Quand celui-ci fût assis, Suelen se tourna enfin vers lui, et dans un souffle, le regard mêlé de surprise et d’horreur, elle murmura : « Vladimir… »

Vladimir, l’air réjoui, regarda tout à tour ses trois interlocuteurs, puis posa sur la table un magnifique petit pistolet que n'importe quel professionnel aurait identifié comme un des rares Makarov PM estampillés "Russian government". De sa profonde voix grave au fort accent de l’Oural, il déclara tranquillement, après avoir consulté sa montre :

« 19 H. Il me reste 2 heures pour vous préparer à ce qui va arriver ce soir et pour vous convaincre que nous sommes dans le même camp… »

Les trois autres, sans se le dire, eurent plus ou moins la même pensée. Ils ne savaient pas si les choses allaient dans le bon sens, mais au moins, elles évoluaient…

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