Bienvenue

A la manière des cadavres-exquis, tout en usant de règles adaptées à notre convenance, nous tentons d'écrire ici une histoire à la fois anonyme et multi-voix.

Impossible de vous en faire un résumé, et pour cause...

... nous même ne savons pas tout ceci va nous mener !

12 commentaires lundi 30 juillet 2007

La pièce était sombre. Les murs lézardés étaient d'un vert glauque et délavé. Le plafond cloqué laissait pendre dangereusement de larges pans de peinture poussiéreuse. Les stores masquaient à peine les faibles rayons du soleil de printemps. Tel un disc jockey sous Lexomil, des appareils électroniques déversaient dans la pièce une suite de bips stridents et syncopés.

Quand elle reprit connaissance, Sally ne comprit pas tout de suite où elle se trouvait. Perdue, sans aucun repère, ses sens étaient encore engourdis. D'où venait cette douleur irradiant l'intérieur de son crâne? Et surtout, pourquoi ne pouvait-elle pas bouger?!? Ses pieds ne répondaient plus et ses bras semblaient s'enfoncer dans le matelas du lit métallique sur lequel elle était étendue. Maintenu par une sorte de minerve en plastique, son cou la faisait terriblement souffrir.

Un homme en blouse blanche pénétra doucement dans la pièce. Il fouilla sur la table de chevet. Des clés, des cigarettes, un papier griffonné SK - RDV dimanche 26 mai 21 H, et ce qu'il cherchait: les derniers résultats d'analyses hématologiques. Malgré la gravité de la chute, les constantes de sa patiente étaient très bonnes. Sally ne pouvait pas voir son visiteur, mais lorsqu'il s'approcha d'elle, c'est son haleine fétide qu'elle sentit en premier. Ses deux petits yeux rapprochés lui faisaient penser à une fouine. Sa barbe éparse et ses dents déchaussées et noires ne faisait qu'accentuer le côté rongeur de son visage.

"Bonjour mademoiselle, je m'appelle Oliver Peekone, je suis médecin. Vous êtes actuellement en salle de réveil à l'hôpital Bichat. Le SAMU vous a héliportée en urgence ce matin suite à une chute de 6 étages... Vous seriez tombée du..."

Dans un nuage de coton, Sally se rappelait peu à peu des évènements qui avaient dû la conduire ici. Une voiture noire, décapotable. Elle était surveillée, suivie nuit et jour. La photo! Elle devait se rendre à l'appartement de Steve Keller pour lui donner le sac. Elle n'avait jusque là jamais rencontré le fils adoptif de sa mère biologique. La DASS lui avait toujours dit qu'elle était morte en la mettant au monde... Tout cela n'avait aucun sens... Trop de zones d'ombre... Les souvenirs lui revenaient difficilement... Et ce vieux russe qui l'avait invitée à dîner peu avant Noël... Tout avait commencé à ce moment là...

Tête de fouine la sortit de ses pensées, "je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais vous avez tout de même de la chance. Si vous n'êtes pas croyante, c'est le moment d'entrer dans les ordres... Il semblerait que votre chute ait été amortie par un store sur l'un des derniers balcons. Il paraît même que les ouvriers venaient de l'installer il y a une semaine. Par contre, vous avez perdu connaissance et aussi beaucoup de sang."

"Et mes jambes? Mes bras? Pourquoi je ne peux plus bouger?", voulait hurler Sally. Mais ces mots restèrent désespérément au fond de sa gorge.

"Je suis navré mademoiselle, nous avons dû pratiquer une trachéotomie, vos cordes vocales ont été touchées, j'ai bien peur que vous ne puissiez plus parler... Nous allons vous faire un scan..."


Submergée par le choc et la douleur, elle s'évanouit à nouveau...

A l'accueil de l'hôpital, l'hôtesse indiquait la chambre 423 aux flics recherchant la "fille de l'air". Les ambulanciers apportaient déjà un nouveau brancard sanguinolent lorsqu'elle vit le gros inspecteur moustachu et sa belle coéquipière entrer dans l'ascenseur...

15 commentaires dimanche 15 juillet 2007

Sally est morte... Ces trois mots résonnaient dans sa tête et Suelen perdait pied lentement... Elle savait qu'elle ne devait pas sombrer. Dans son état, ça pouvait être fatal... Inconsciemment, elle se raccrocha donc à la seule chose qui pouvait la garder en vie. "Steve a de gros ennuis" avait dit Paul. Elle aimait profondément son fils adoptif. Et si elle n'avait rien fait pour renouer le contact avec lui depuis bientôt six ans, c'était juste parce qu'elle avait investi toute son énergie dans la recherche de Sally... "Steve a de gros ennuis". Se ressaisissant, elle attrapa son portable et composa le numéro de Steve. Les sonneries se succédaient. A l'écran, Les 4 amies commençaient leur traditionnelle partie de poker. Elle raccrocha avant d'être invitée à laisser un message. Cela ne lui semblait pas être le meilleur moyen de reprendre contact avec son fils adoptif...

Ce qu'avait dit Paul commençait tout juste à prendre corps dans son esprit. Il avait parlé d'un sac et d'un rendez vous à Alesia. Machinalement, elle tendit le bras vers la table basse et attrapa la feuille de papier photocopiée pliée en deux sous la télécommande :"SK - RDV dimanche 26 mai 21 H. N'oubliez pas le sac"... Ce message, qu'elle avait trouvé le matin même dans sa boîte aux lettres et qui l'invitait à se rendre ce soir à Alésia, était toujours aussi incompréhensible. Qui voulait la voir ? Pourquoi là-bas ? Très peu de gens savaient l'importance de cet endroit pour elle... Et de quel sac parlait-on ? A midi, elle était passée à Alesia. Malgré le beau temps, elle avait mis son imperméable sombre, pour ne pas être reconnue, au cas où. Tout lui avait paru normal, et les quelques prêtres à qui elle avait parlé lui avait semblé tout à fait catholiques... Jusqu'à il y a quelques instants, elle s'attendait à une blague, ou une surprise. Désormais, elle était plus qu'inquiète. Sally était morte, Steve menacé. Et ce sac, que contenait-il ? Paul ne lui en avait rien dit... Elle se remémorait maintenant les derniers mots de sa conversation avec Paul. Complètement bouleversée qu'elle était, elle n'avait pas songé à lui parler de sa propre invitation. Et lui, il lui avait expressément demandé de ne pas bouger de chez elle aujourd'hui. Il lui avait dit de ne rien faire pour aider Steve ; il s'occupait de tout. Tout à l'heure elle avait acquiescé, mais maintenant elle ne se sentait pas capable de rester chez elle à ne rien faire, aussi drôle que puisse être Bree Vandekamp. Elle se souvint que Paul devait aller chercher la voiture de Steve avant de revenir chercher le sac à son appart. Elle habitait porte de Clignancourt. En métro, elle pouvait donc y être elle aussi en moins d'une heure, à peu près le temps qu'il faudrait à Paul pour faire son tour... Elle éteignit la télé, laissant Bree à ses invités, et quitta précipitamment son pavillon...


Après que Paul soit sorti du bar, Steve fit ce qu'il aurait probablement dû faire depuis longtemps : il demanda à la serveuse où il pouvait trouver un téléphone, et une fois dans la cabine, il composa son propre numéro de portable. Il venait de se souvenir qu'en pressant la touche dièse pendant son annonce de répondeur, et à condition de connaître le code approprié, il était possible d'écouter les messages qui y étaient stockés. Dans son cas, le code était facile, c'était toujours sa date d'anniversaire : 2204 (la fameuse formule 2+2=4 lui permettait d'ailleurs de se souvenir de ce sésame en toutes circonstances, mêmes les plus alcoolisées...).

"Vous avez 1 nouveau message". Coup de chance : les abrutis de la camionnette n'avait pas effacé le message. Steve allait enfin savoir ce qui avait tant fait rire la femme. "Dimanche 26 mai, 4H40. Tuuuuuuut. Allo, Steve Keller, je m'appelle Sally. On ne se connait pas, mais nous somme pourtant très proches. J'ai très peu de temps. Deux choses : Un, ne faites confiance à personne. Deux, ne m'ouvrez pas si je sonne. Clic."

6 commentaires samedi 14 juillet 2007

Suelen Keller avait la cinquantaine passée. Bien qu'un peu mince, elle était plutôt bien conservée pour son âge, et en paraissait, dans les bons jours, bien dix de moins. Son joli visage recouvert d'une peau de pêche à croquer, était souvent caché sous ses longs cheveux bruns.

Elle avait 16 ans lorsqu'elle rencontra Vladimir, un jeune homme mystérieux d'origine russe. Cette histoire d'un soir se transforma en réel cauchemar pour Sue. Neuf mois plus tard, elle se retrouvait seule pour accoucher dans la douleur d'une petite fille, au pied de l'Eglise d'Alésia. Trop jeune à l'époque et surtout dans l'incapacité la plus totale de subvenir aux besoins de sa fille et d'elle même, elle s'était résignée à l'abandonner à la DASS. Ce fût une vraie déchirure pour elle, et cette séparation fut suivie d'une longue période de dépression.

Sue ne doit son salut qu'à l'apparition d'un autre homme dans sa vie, John Keller, un jeune Allemand venu travailler et s'installer en France. John était un peu plus âgé que Sue. Il avait toujours prétendu travailler pour Siemens, mais la réalité était bien différente... Mais ça, Sue ne le sut jamais.

Au fil des années, ils avaient appris à se connaître, à s'apprécier et à partager des bons moments ensemble. Très vite, les deux amis qu'ils étaient devinrent amants. John fit une demande en mariage dans les règles de l'art. Le bébé tant attendu qui ne vint jamais raviva la blessure antérieure de Sue. Un long travail sur elle même, à coup de séances de psy, finit par la convaincre qu'elle n'aurait plus jamais d'enfant. Quand la solution de l'adoption fut proposée au couple Keller, Sue pensa que ce pourrait être un bon moyen de réparer, comme elle le considère aujourd'hui, son erreur du passé. C'est John qui s'occupa de toutes les démarches.
Steve leur fut confié très rapidement. Le bonheur effaça toutes les interrogations de Suelen : elle venait d'avoir un fils...

Tout se passait pour le mieux du monde pour elle jusqu'à ce que Steve entreprenne ses recherches sur ses parents biologiques. Ce fut John qui eut la réaction la plus violente. Ce fut sans doute à l'origine de la rupture du couple Keller. Quelques mois plus tard, Suelen perdit tout contact avec John, et Steve, devenu indépendant et très affecté par la séparation, s'était lui aussi éloigné d'elle. C'est à ce moment qu'elle entreprit ses recherches pour retrouver sa fille. Avec l'aide d'amis bien placés, sa démarche ne fut pas longue. Très vite, Sue put mettre un nom et un visage sur sa fille, celle qu'elle avait abandonnée une trentaine d'années plus tôt.

C'est par l'intermédiaire de Paul que Sue avait encore des nouvelles de son fils adoptif. Lorsqu'il était plus jeune, Paul, en tant que meilleur ami de Steve, passait énormément de temps au domicile des Keller. C'était même devenu sa deuxième maison. Avec le temps, Paul était resté très proche de Sue, à tel point qu'il était même devenu son confident. Il était peut-être le seul, avec John Keller, à connaître l'existence de sa fille.

Sue regardait un épisode de "Desperate Housewives" lorsque son téléphone sonna. C'était Paul. Ce qu'il lui rapporta lui glaça le sang. Elle était comme pétrifiée, incapable de bouger ne serait-ce qu'un doigt:
-"Sally... Morte..."
Paul avait peut-être commencé un peu fort. Sue se recroquevillait dans son fauteuil à l'écoute des paroles de Paul, qui détaillait point par point le contenu de son entretien avec Steve :
-"Steve a de gros ennuis. Je passe chez lui chercher le sac, il faut que je fasse vite. On fait comme on a dit. Je te laisse... Je suis désolé pour Sally..."
Sue raccrocha sans dire un mot. Elle venait de revoir défiler ses trente-cinq dernières années en trente secondes. L'annonce de la mort de Sally l'avait toute retournée et avait creusé de profonds sillons sur son visage légèrement amaigri. Depuis peu, Sue se savait rongée pas la maladie. Les séances de chimiothérapie qu'elle suivait de manière plus ou moins assidue, commencaient à l'affaiblir considérablement...

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